Dominium Mundi – Livre II

de François Baranger

éditions Critic

796 pages

Space/Planet Opera français

François Baranger est un artiste aux multiples talents : je le connaissais notamment pour ses illustrations (c’est l’auteur de cette magnifique couverture), mais je découvre qu’il a aussi œuvré dans les domaines de l’animation et du jeu vidéo et qu’il a donc pris la plume pour nous livrer cette imposante saga en deux tomes de 700+ pages.

Dans cet ouvrage, nous sommes en 2205 et sur Terre prédomine l’Empire Chrétien moderne qui a lancé une croisade interstellaire visant à reprendre possession du tombeau du Christ qui se trouverait sur la planète d’Akya du Centaure. Dans le premier tome, l’auteur nous narre l’odyssée spatiale qu’aura constitué le voyage vers cette planète en s’attardant sur une poignée de protagonistes représentatifs des différents types de croisés existants.

Mélange des genres

Dans ce tome, les croisés débarquent, et ce n’est pas joli joli. Nous retrouvons le héros méta-guerrier Tancrède de Tarente, mais aussi l’informaticien inerme Albéric Villejust, et nous faisons la connaissance de la civilisation qui occupe Akya du Centaure : les Atamides.

En se basant sur cette trame, l’auteur combine pas mal de types de récits : la guerre proprement dite avec les combats entre les croisés et les Atamides, des passages relevant plus de l’aventure avec la découverte des us et coutumes des autochtones, des passages très inventifs aussi pour tout ce qui tourne autour de l’Infocosme, le volet informatique de cette intrigue, sorte de matrice où les informaticiens ou « pupitreurs » pénètrent et se déplacent comme dans un voyage astral.

Cette saga retrace une croisade et le mot n’est pas choisi au hasard étant donné qu’il y a bien un pape instigateur de la croisade, et des croisés convaincus du bien-fondé de leurs actes grâce à des prétextes religieux. Dans la société telle qu’elle est ici décrite, un retour à des valeurs médiévales et une organisation féodale ont repris le dessus après une guerre dévastatrice surnommée la « guerre d’une heure ».

Tout au long de l’ouvrage, l’auteur reprend des passages d’un poème épique du Tasse intitulée La Jérusalem délivrée composé au XVIe siècle qui narre la première croisade. C’est un choix original et surprenant de voir s’entremêler des notions d’informatique quantique et des combats entre valeureux chevaliers d’un autre âge.

Feuilleton haletant

La prose de l’auteur est simple et efficace et nous entraîne à suivre les pérégrinations des personnages comme un véritable feuilleton. Ce qui a des avantages, mais aussi quelques inconvénients comme certains passages qui semblent un peu répétitifs ou même parfois téléphonés. Quoi qu’il en soit, la lecture est tout à fait fluide et c’est avec plaisir qu’on se laisse embarquer dans ce pavé de plus de 700 pages.

On y trouve pas mal d’ingrédients incontournables comme des intrigues politiques entre les puissants, les sans titre, des manigances tramées dans les plus hautes sphères. On y croise des personnages dont la méchanceté ou la violence sont exacerbées, comme Robert le Diable qui n’en finit pas d’impressionner par sa cruauté, ou bien le mystérieux Foudroyeur. On y trouve de grandes histoires d’amitié, notamment entre Tancrède et Albéric, qui sont les deux personnages à travers lesquels nous découvrons l’intrigue. Enfin, les femmes ont aussi une petite place avec les Amazones et notamment l’Italienne Clorinde, dont Tancrède est amoureux. Mais leur idylle ne sera pas un long fleuve tranquille.

Décor planant

J’ai beaucoup aimé la façon dont Baranger nous dépeint une Akya du Centaure dépaysante, faite d’étendues arides accablées par un soleil de plomb et de nombreuses failles forestières recelant d’innombrables secrets. Les populations locales sont aussi dignes d’un grand intérêt : les Atamides n’ont que peu de traits semblables aux humains, mais font preuve d’une intelligence et d’une culture qui invite à la découverte. C’est un volet à la fois intéressant et frustrant, car pour ma part, j’aurais adoré pénétrer plus avant dans les arcanes de cette civilisation, mais j’imagine que le roman aurait pris un tout autre tour si l’auteur était parti plus loin dans cette direction.

Personnages épris de liberté

Il faut avouer qu’on finit par s’attacher au protagoniste Tancrède. Il a beau être un méta-guerrier qui aurait toutes les raisons de se croire supérieur, il est en réalité particulièrement attachant dans ses doutes et ses remises en question. En effet, dès le premier tome il se pose des questions quant à sa foi, le bien-fondé de l’organisation à laquelle il appartient, les raisons qui justifient les ordres qu’on lui impose, etc. Il offre un regard critique sur l’organisation militaire qui domine et c’est louable, car par moments, cette hiérarchie se fait pesante, même pour le lecteur.

Albéric est lui aussi assez critique dans la mesure où il porte un regard très lucide sur sa condition inférieure et il est prêt à risquer gros pour préserver son libre arbitre.

À l’inverse, Clorinde apparaît comme une Amazone ambitieuse et réactionnaire. C’est d’ailleurs un des bémols pour moi : ce personnage principal féminin m’a paru un peu faiblard. En outre, j’ai trouvé ses échanges avec Tancrède assez froids et peu crédibles. Après coup, je me suis rendu compte que c’était aussi peut-être tout simplement une transposition de ce que pouvait être l’amour courtois au Moyen Âge. Ce qui rentrerait tout à fait dans le cadre de ce roman médiéval-futuriste et en ferait un défaut logique et compréhensible.

Pour résumer

Voici une saga épique qui voit les choses en grand, nous place dans un univers futuriste et médiéval à la fois, le tout sur une planète fort lointaine permettant au lecteur de laisser libre cours à son imagination. Ce titre m’avait été recommandé par un auteur qui affirmait que c’était le meilleur space opera qu’il ait lu. J’ai bien fait de l’écouter, car ce fut une lecture très agréable, idéale pour l’été.

Ceci est un doublé ! Ouvrage lu dans le cadre du challenge Summer Star Wars Solo organisé par Lhisbei et du challenge Pavé de l’été de Brize.

Pour aller plus loin, quelques autres avis chez Black Wolf Cornwall, Le Dévoreur

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